Si vous marchez de l'Opéra de Liège vers l'ancien palais des princes-évêques sur la Place Saint-Lambert, ne manquez pas la majestueuse devanture aux lettres de néon de La Grande Pharmacie. Celle-ci a connu des mois mouvementés. L'Agence wallonne du Patrimoine a en effet été saisie lors de sa reprise en décembre, pour faire reconnaître la pharmacie comme monument protégé.
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La Grande Pharmacie fait figure d'institution dans la Cité Ardente. Elle existe depuis 1912, à un croire l'un des rares documents historiques encore disponibles, que nous remet Éloïse Devillers, directrice commerciale du nouveau propriétaire, VPharma. "Nous savons seulement qu'il s'agissait d'une habitation. La première pharmacie a procédé à des aménagements pour en faire une officine." Pascal Esposito, qui gère la pharmacie depuis 1996, nous montre également quelques photos d'un ouvrage du professeur Angenot sur la pharmacie à Liège. "Au cours de la dernière décennie, le comptoir massif a été divisé en petits comptoirs, de sorte que plusieurs clients puissent être servis en même temps. Je me rappelle que je venais ici avec ma grand-mère", poursuit-il, avant d'être rappelé à ses clients et à ses réunions. Éloïse Devillers reprend la parole: "Constatez le constant va-et-vient des clients et des passants. Nous recevons aussi régulièrement la visite de touristes. Notre établissement est repris dans les balades touristiques de la ville, justement du fait de son intérieur unique. En fait, nous en savons peu sur les artistes et ouvriers qui ont confectionné le mobilier, le dais en verre, les vitraux ou le système d'éclairage. Le tout dans un style art nouveau ou en tout cas du début du 20ème siècle, même si là non plus, nous n'avons aucune certitude." Qu'à cela ne tienne, l'ensemble et les innombrables détails invitent à flâner encore un peu pour s'imprégner pleinement de l'atmosphère de cette Grande Pharmacie. "Je trouve que la pièce dégage de la quiétude", ajoute ma guide improvisée. Nous ne pouvons qu'acquiescer. Si nous nous attardons aujourd'hui sur le sujet, c'est que le rachat de La Grande Pharmacie et sa protection ont attiré l'attention des médias. Une petit explication s'impose. Jusqu'il y a peu, cet établissement historique faisait partie du groupe liégeois Les Pharmaciens Unis. Après la faillite de ce dernier, VPharma, établi à Verviers, a décidé de reprendre les différentes officines, dont La Grande Pharmacie. La nouvelle a alarmé les autorités locales, qui craignaient que la reprise n'entraîne une destruction de l'intérieur. Raison pour laquelle la Ministre wallonne du Patrimoine a été appelée en hâte. Dans l'arrêté de protection (dans l'attente d'une éventuelle reconnaissance comme monument), nous lisons entre autres: "Le mobilier de la Grande Pharmacie, qui date du début du 20ème siècle, a gardé sa fonction d'origine, faisant d'elle l'une des rares pharmacies anciennes comportant encore un décor et un mobilier homogènes de grande qualité. Elle constitue un témoin important de l'histoire pharmaceutique." "Je comprends les craintes de la ville et des services du patrimoine", déclare la directrice marketing. "Il est dommage que nous ne nous soyons pas concertés sur le sujet plus tôt. La Grande Pharmacie jure avec la décoration des pharmacies modernes, mais il faut simplement conserver cette officine historique dans son jus. En d'autres mots, nous nous rangeons entièrement derrière la décision de la ville de Liège et nous engageons à protéger l'intérieur et le patrimoine de la pharmacie", clarifie-t-elle. La Grande Pharmacie fut l'une des dernières pharmacies des Pharmaciens Unis à avoir été reprises par VPharma. Mais qui est VPharma? "Nous sommes un groupe de la région de Verviers", explique Eloïse Devillers. "Nous insistons sur cette ancrage local. Le personnel des 48 officines villageoises ou citadines de Liège ou de l'arrondissement de Verviers est essentiellement originaire de la région. Au total, 350 personnes travaillent pour nous." Parmi eux, retrouve-t-on aussi des pharmaciens et des assistants en pharmacie qui travaillaient dans les bâtiments des Pharmaciens Unis? "Tout à fait. Nous estimions qu'il était important de sauver ces emplois et d'offrir une sécurité au personnel. Nous n'entendons pas opérer de grande révolution avec la reprise, mais plutôt de donner une nouvelle dynamique aux officines." Au niveau informatique par exemple, ou en introduisant des écrans discrets et autres éléments modernes dans l'ancienne pharmacie. "Cela ne signifie pas que nous arrêterons pour autant de produire les médicaments pour lesquels nous sommes connus", rassure le pharmacien Pascal Esposito. "Les chanteurs d'opéra viennent ainsi chez nous pour acheter le Gargarisme des artistes quand ils perdent leur voix. Pareil pour notre fameuse crème pour visage et mains Bellis." "Nous avons aussi donné une nouvelle vie à La Grande Bandagisterie ici au-dessus", ajoute Éloïse Devillers. "Nous entendons répondre aux demandes de soins des clients dans nos pharmacies, en leur proposant une large gamme de produits et de services, également dans le domaine de l'orthopédie et de l'optique. "