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On sait depuis un moment déjà que rester assis de façon prolongée est mauvais pour la santé, même chez les personnes qui font régulièrement de l'exercice - une idée qui a fait son chemin grâce notamment à une revue systématique publiée dans les Annals of Internal Medicine (Biswas et al., 2015). Il convient donc de nous lever régulièrement de notre chaise ou fauteuil au cours de la journée... mais quelle est la fréquence (minimale) à viser et quels bénéfices peut-on en attendre? Duran et al. ont suivi 11 personnes menant une vie largement sédentaire, six hommes et cinq femmes. Suivant un protocole randomisé croisé, chacun des participants a été soumis durant des journées distinctes à l'un des schémas suivants, d'une durée de huit heures chacun: assis huit heures sans interruption, assis huit heures avec des pauses d'une à cinq minutes de marche (sur tapis) à un rythme léger toutes les heures ou assis huit heures avec des pauses de ce type toutes les demi-heures. Les repas étaient standardisés. La glycémie a été mesurée toutes les 15 minutes à l'aide d'un glycomètre et les investigateurs ont pris la tension des participants avant chaque pause (ou aux moments correspondants s'ils restaient assis toute la journée). Chez les personnes qui faisaient cinq minutes de marche toutes les demi-heures, le pic de glycémie postprandial s'est avéré significativement plus faible (-58%) que chez celles qui avaient passé toute la journée assises. Les autres schémas ne permettaient pas d'obtenir des différences significatives à ce niveau. L'effet sur la pression systolique était le plus marqué (et, là aussi, significatif) lorsque les participants faisaient une minute de marche après avoir passé une heure assis (-5,2 mmHg) ou cinq minutes de marche toutes les demi-heures (-4,3 mmHg). D'après les auteurs, cette baisse de la tension peut réduire le risque de maladie cardiovasculaire de 13 à 15%, à condition du moins d'adopter durablement cette bonne habitude. Tous les participants étaient âgés d'au moins 40 ans (moyenne d'âge 57 ans) et exempts d'antécédents de maladies chroniques. La majorité affichaient une glycémie normale, un seul présentait un prédiabète. Le groupe comportait aussi bien des sujets avec une tension normale que des hypertendus. Keith Diaz, l'un des coauteurs, recommande dans un communiqué aux personnes qui exercent une profession sédentaire de faire une pause active de cinq minutes toutes les demi-heures - un schéma qui a un effet bénéfique aussi bien sur la glycémie postprandiale que sur la tension. Les résultats recueillis au moyen d'un test standardisé révèlent en outre que les participants qui bougeaient régulièrement se sentaient aussi moins fatigués au cours de la journée. Reste que les critères d'évaluation durs font encore défaut. Il existe bien un lien direct entre les valeurs tensionnelles et le risque d'événement cardiovasculaire, mais l'intérêt de la réduction du pic de glycémie postprandial chez des sujets non diabétiques est moins clairement établi. Précisons encore que cette étude a été interrompue par la crise sanitaire, ce qui explique le faible nombre de participants. Quid toutefois des aspects pratiques? Pour certains travailleurs (chauffeurs, caissiers, guichetiers...), abandonner leur poste toutes les demi-heures est actuellement impensable, en particulier si cette pause doit s'élever à cinq minutes. En plus, s'interrompre cinq minutes toutes les demi-heures impliquerait d'allonger de 80 minutes une journée de travail de huit heures, ce qui semble difficilement compatible avec une vie de famille... en particulier lorsqu'on songe que les recommandations préconisent par ailleurs 150 minutes d'activité modérée par semaine, alors que les pauses actives investiguées dans le cadre de cette étude étaient décrites comme "légères" et ne peuvent donc pas être prises en compte pour le total hebdomadaire. Si l'intérêt d'études comme celle-ci ne fait évidemment aucun doute, c'est souvent au niveau de la mise en pratique de leurs conclusions que le bât blesse. Les auteurs espèrent néanmoins qu'en couler les résultats dans des directives pourrait contribuer à sensibiliser les autorités et les entreprises. Un vain espoir? Peut-être pas, finalement, quand on voit quelles avancées ont déjà été réalisées sur le plan social et politique dans d'autres domaines, comme celui des infrastructures cyclistes et de la consommation durable.